Le terme de « voile » nous vient de l’extrême-droite
Quand les femmes musulmanes portant un foulard ont commencé à se retrouver partout dans les médias dans les années 1990, on parlait de « foulard » ou de « hijab » (« foulard » en arabe). L’affaire des foulards de Creil de 1989, vous connaissez ? Eh bien, on parlait des « foulards de Creil », pas des « voiles de Creil ».
Quand la thématique du foulard est devenue de plus en plus présente dans les médias français, au début des années 2000 et au moment de la 1e loi visant à restreindre le port du foulard (en 2004, à l’école), ce sont des hommes et femmes politiques d’extrême-droite qui sont les premier·ères à évoquer le « voile islamique » comme quelque chose de péjoratif, quelque chose à combattre.
Aujourd’hui, le terme s’est vulgarisé et a été adopté sans qu’on ne questionne plus son origine problématique.
Parler de « femme voilée », c’est essentialiser les femmes musulmanes autour de ce qu’elles portent
Une femme voilée, c’est une femme dont la seule et unique caractéristique est le vêtement qu’elle porte sur la tête. C’est un adjectif qui lui colle à la peau et très vite, elle n’est plus rien d’autre que ce qu’elle porte.
Certain.es parlent même seulement de « voilées » et là, on élimine la femme dont il est question : cette femme n’est plus qu’un vêtement et c’est facile de ne pas accorder des droits à un vêtement.
Une femme musulmane qui porte le foulard est bien plus que les vêtements qu’elle choisit de porter. La réduire à sa tenue, c’est sexiste.
Une femme voilée est passive de sa situation, une femme qui porte un foulard en est actrice
Dans la construction de l’expression « femme voilée », la femme en question est un sujet passif, elle est décrite, elle n’agit pas. C’est donc facile d’arguer qu’elle est victime de sa situation.
A l’inverse, « une femme qui porte un foulard », c’est une femme qui est le sujet de la phrase et donc, de sa situation, c’est une femme qui en est actrice : elle est maîtresse de ses choix. L’expression traduit un processus d’empouvoirement des femmes musulmanes, qui agissent, qui avancent et qui décident par elles-mêmes. Tout ça juste en utilisant les bons mots !
Les mots sont importants, utilisons-les à bon escient et dans leur véritable signification.
C’est futile, comme débat ? Ça revient au même ? Je m’invente des problèmes au lieu de me concentrer sur des choses vraiment graves ?
Je ne suis pas d’accord. Les mots ont leur importance et si on les utilise mal, on ne peut pas penser correctement le monde qui nous entoure et donc, les personnes différentes qui le composent.
C’est facile de ne pas respecter « la voilée », puisqu’on oublie l’être humain qu’il y a derrière le vêtement – mais c’est moins facile quand on parle de « femme musulmane qui porte le foulard ».
Mais alors, que dire si on ne parle plus de « voile » ?
C’est facile : on parle de foulard, car c’est tout bonnement ce dont il s’agit !
Il existe aussi le mot « hijab », qui veut dire « foulard » en arabe.
Message à mes allié.e.s
Vous défendez les droits des femmes musulmanes et jusqu’à présent, vous parliez de « femme voilée » et de « voile » ? Ce n’est pas grave. Vous ne saviez pas.
Maintenant, vous savez à quel point ces termes sont nocifs alors s’il-vous-plaît, ne les utilisez plus.
A chaque fois qu’on parle de moi comme d’une « femme voilée », je me sens réduite à ce que je porte, invisibilisée derrière un vêtement, infantilisée dans les choix de vie que je fais. A la fin, je ne suis même plus consultée dans ce qui serait bon ou mauvais pour moi.
A chaque fois qu’on parle de moi comme d’une « voilée », je n’existe plus en tant que femme, en tant qu’être humain. Je n’ai plus de droits, plus d’importance. Parce que je ne suis plus qu’un vêtement.
Je n’existe plus.
Aujourd’hui, 1e février, c’est la journée mondiale du foulard musulman (« World Hijab Day » en anglais).
C’est l’occasion de rappeler que le foulard est un vêtement, pas un étendard, pas une provocation. C’est un vêtement que j’ai décidé de porter, suite à un cheminement spirituel intime qui ne regarde que moi.
Par contre, ce qui nous regarde toustes, c’est la manière dont je suis discriminée à cause de mes choix vestimentaires. C’est un combat qui dépasse ma personne parce qu’il dénonce les injonctions sexistes qui imposent certaines tenues aux femmes et qui en interdisent d’autres.
Et ça suffit.
Aujourd’hui, 1e février, aidez-moi à expliquer au monde que nous, femmes musulmanes, sommes habillées, pas opprimées, en partageant cet article.
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